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Loi Sren et délit d’outrage en ligne

Quelle est cette histoire ?

« Quelle est cette histoire ? » est une série de billets courts visant à préciser ou approfondir une actualité. Irrégulière, elle paraît lorsque je perds mon temps à creuser une information, parfois un peu trop. Les billets s’adressent à des personnes ayant déjà entendu parler du sujet traité, et les notes de bas de page apportent plus d’informations que le contenu.

Quelques médias1, 2, 3 ont récemment couvert l’introduction potentielle dans la loi d’un délit d’outrage en ligne. Ces articles sont généralement succincts, mais apportent des informations complémentaires. À la lecture de ces derniers, il me manquait néanmoins de l’information précise sur le sujet, en particulier : que prévoit précisément cet article d’un point de vue juridique ? Et pourquoi pourrait-il, selon les dires de certains, être censuré par le Conseil Constitutionnel ? Dans ce billet, je propose donc de revenir brièvement sur ce nouveau délit, en prenant soin d’apporter le résultat de mes recherches sur les quelques questions que je me posais.


  1. Pierre Januel, « Un nouveau délit menace la liberté d’expression sur Internet », Mediapart, 29 mars 2024 https://www.mediapart.fr/journal/france/290324/un-nouveau-delit-menace-la-liberte-d-expression-sur-internet
  2. Aurélien Defer, « Régulation de l’espace numérique : députés et sénateurs s’accordent sur une nouvelle version du projet de loi Sren », Le Monde, 27 mars 2024 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/03/27/regulation-de-l-espace-numerique-deputes-et-senateurs-s-accordent-sur-une-nouvelle-version-du-projet-de-loi-Sren_6224453_4408996.html
  3. Serge Faubert, « Cette loi qui pourrait tuer la liberté d’expression », pour la chaîne Youtube Pure Politique, 1 avril 2024 https://www.youtube.com/watch?v=0c4WnmtV73c

La loi Sren

Voilà maintenant des mois que l’on entend parler, ci et là, de la loi visant à Sécuriser et à Réguler l’Espace Numérique (Sren). Il faut dire que le texte est en discussion depuis maintenant près d’un an : émanant du Gouvernement, ce dernier a été déposé devant le Sénat le 10 mai 2023. Le processus législatif ne devait pas durer si longtemps, mais des oppositions de la Commission européenne au sujet de certaines mesures ont bloqué le texte pendant plusieurs mois1, 2.

Et pour cause : la loi est large, très large même, et pour le moins contestée2, 3 : volet « protection des mineurs en ligne » avec une vérification effective de l’âge pour l’accès aux sites pornographiques4, volet « protection des citoyens dans l’espace numérique » avec la possibilité d’empêcher l’accès de l’auteur d’une infraction à ses comptes en ligne, et bien d’autres mesures en vrac, relatives au cloud (ou plutôt à « l’informatique en nuage »), à certaines formes de jeu en ligne, et à bien d’autres sujets.

Parmi ces dispositions, souvent largement (et parfois correctement) traitées par les médias, nous allons examiner dans ce billet une disposition spécifique, introduite par les sénateurs lors de l’examen du texte en première lecture5 : l’ajout dans le Code Pénal d’un délit d’outrage numérique. Non-soutenue par le Gouvernement6, et rejetée par la quasi-totalité des groupes parlementaires, la mesure a été supprimée par les députés lors de leur lecture du texte, à 138 voies contre 727, et ce malgré un remaniement du texte en commission8.

Pourtant, quelques mois plus tard, coup de théâtre : la mesure est réintroduite, dans la rédaction du Sénat, lors de la Commission Mixte Paritaire (CMP), sans aucune autre forme de procès. Au cours des débats, Aurélien Lopez-Liguori, député du Rassemblement National, et opposé à la mesure, commentera, suite au retour de cet article « Nous étions prêts à nous abstenir, mais ce retour de l’AFD [Amende Forfaitaire Délictuelle, ndlr] pourrait nous pousser à voter contre le texte en séance »9.

À l’heure où j’écris ces lignes, nul ne sait ce qu’il adviendra de cet article. Le texte issu de la CMP doit être adopté par les deux chambres dans des versions identiques pour être adopté, et si le Sénat a d’ores et déjà voté le texte le 2 avril, l’Assemblée Nationale ne l’examinera que dans quelques jours, à compter du 10 avril.


  1. Aurélien Defer, « Régulation de l’espace numérique : députés et sénateurs s’accordent sur une nouvelle version du projet de loi Sren », Le Monde, 27 mars 2024 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/03/27/regulation-de-l-espace-numerique-deputes-et-senateurs-s-accordent-sur-une-nouvelle-version-du-projet-de-loi-Sren_6224453_4408996.html
  2. Théophane Hartmann, « Les sénateurs reprochent au gouvernement le retard pris par la loi de sécurisation des espaces numériques », Euractiv.com, 4 avril 2024 https://www.euractiv.fr/section/application-de-la-loi/news/les-senateurs-reprochent-au-gouvernement-le-retard-pris-par-la-loi-de-securisation-des-espaces-numeriques/
  3. La Quadrature du Net, « Projet de loi SREN : le gouvernement sourd à la réalité d’internet », 12 septembre 2023 https://www.laquadrature.net/2023/09/12/projet-de-loi-sren-le-gouvernement-sourd-a-la-realite-dinternet/
  4. Louis Adam, « Accès des mineurs aux sites pornographiques : qu’est-ce que la vérification d’âge en « double anonymat » ? », 17 février 2023 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/02/17/acces-des-mineurs-aux-sites-pornographiques-qu-est-ce-que-la-verification-d-age-en-double-anonymat_6162287_4408996.html
  5. Amendement n° 134 de M. Loïc Hervé au Sénat créant un article additionnel après l’article 5 https://www.senat.fr/amendements/2022–2023/778/Amdt_134.html
  6. Le Gouvernement s’est abstenu de donner un avis favorable ou défavorable à la mesure, se référer à la note 7
  7. Assemblée Nationale, Compte rendu intégral de la première séance du mercredi 11 octobre 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2023–2024/premiere-seance-du-mercredi-11-octobre-2023
  8. Assemblée Nationale, Texte de la commission, n° 1674-A0, déposé le jeudi 21 septembre 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1674_texte-adopte-commission
  9. Sénat, Rapport n° 469 fait au nom de la Commission Mixte Paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, déposé le 26 mars 2024 https://www.senat.fr/rap/l23–469/l23–4690.html

Que prévoit l’article ?

Alors que dit précisément cet article, pour inquiéter les députés au point de faire consensus contre son adoption (ce qui n’est pas le cas du reste de la loi) ? Tel qu’adopté par la commission, et après correction de deux erreurs matérielles3, 4, le texte proposé par la CMP et régissant l’infraction est le suivant :

Est puni de 3 750 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement le fait, hors les cas prévus aux articles 222‑17, 222‑18 et 222‑33‑1–1 à 222‑33‑2‑3 du présent code et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de diffuser en ligne tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Examinons dans un premier temps cette partie du texte. Cette dernière est construite de la même manière que l’article 222–33–1-1 du Code Pénal relatif au délit d’outrage sexiste et sexuel, c’est à dire par trois éléments :

  • la peine encourue pour la commission du délit : 3 750 € d’amende et un an d’emprisonnement ;
  • la définition de l’acte réprimé : « diffuser en ligne […] ». Cette définition est précisée par le second alinéa du texte, non reproduit ici ;
  • entre les deux, un ensemble d’exclusions – ce qui est par ailleurs relativement rare en droit, pénal du moins1 – évitant que cet article ne soit utilisé en lieu et place d’autres, ici ceux réprimant les menaces, le harcèlement moral et sexuel et les délits de presse sur l’injure à caractère raciste ou à caractère sexiste.

Le point principal de désaccord sur cette partie de l’article est la définition de l’infraction : ses détracteurs lui reprochent d’être particulièrement flou1, 2, et de ratisser trop large, en plus de sa construction particulièrement alambiquée. Mais le principal point de crispation, qui fait redouter un rejet du texte, figure dans la seconde partie de l’article :

Pour le délit [d’outrage numérique], y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495–17 à 495–25 du Code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 600 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 500 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 200 euros.

Les articles 495–17 à 495–25 du Code de procédure pénale sont en effet des additions récentes5 permettant, pour certaines infractions, d’outrepasser le juge par le paiement d’une amende forfaitaire délictuelle (AFD). Par forfaitaire, on entend ici que le montant n’est pas susceptible de varier en fonction de l’individu, de la gravité des faits, ou d’un quelconque autre facteur.

Cette généralisation de l’AFD, au départ restreinte aux délits routiers, à l’usage de stupéfiants6, puis désormais aux infractions en ligne, pose la question de la conformité de cette procédure aux principes d’individualisation des peines, du droit d’accès au juge, et des droits de la défense7. Combinée à la définition particulièrement floue ci-dessus, cette mesure laisse un pouvoir d’interprétation large aux agents chargés de constater l’infraction, ce qui permet de soupçonner des abus quant à son usage.


  1. Pierre Januel, « Un nouveau délit menace la liberté d’expression sur Internet », Mediapart, 29 mars 2024 https://www.mediapart.fr/journal/france/290324/un-nouveau-delit-menace-la-liberte-d-expression-sur-internet
  2. Assemblée Nationale, Compte rendu intégral de la première séance du mercredi 11 octobre 2023 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2023–2024/premiere-seance-du-mercredi-11-octobre-2023
  3. Voir amendement n° 6 du Sénat lors de la discussion du texte issu de la CMP
  4. La seconde erreur n’a pas encore été rectifiée à l’heure où ces lignes sont écrites (je l’ai signalée personnellement aux rapporteurs du texte), et porte sur le remplacement de l’article 222‑33‑1 par l’article 222–33–1-1 du Code Pénal
  5. Loi n° 2016–1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
  6. Juliette Bénézit, « Les débuts « balbutiants » de l’amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants », Le Monde, 9 septembre 2020 https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/09/amende-forfaitaire-delictuelle-pour-usage-de-stupefiants-des-debuts-balbutiants_6051483_3224.html
  7. Défenseur des Droits, Décision cadre 2023–30 du 30 mai 2023 recommandant de mettre fin à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=47513&opac_view=-1

Jurisprudence constitutionnelle : une chance de censure ?

Nous voici arrivés à ma seconde question : cet article pourrait-il donc être censuré par le Conseil Constitutionnel s’il lui était soumis ? Précisons d’abord une chose : personne ne peut prédire si ce sera ou non le cas. Il est en revanche possible, en se basant sur la jurisprudence constitutionnelle, d’établir des hypothèses ou des pistes de réflexions à ce sujet.

Examinons d’abord si la première partie de l’article pourrait être censurée. Elle ne devrait pas être rejetée sur la forme, le Conseil Constitutionnel ayant déjà statué que l’article 222–33–1-1 du Code pénal, similairement rédigé, ne méconnaissait pas, notamment, l’« objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi »2. Sur le fond, il est plus complexe de trancher, et il ne paraît pas possible de savoir ce que pourrait décider le Conseil, même si une définition trop large aura vite fait d’empiéter sur divers principes constitutionnels.

Se pose ensuite la question plus spécifique de l’AFD, et c’est ce grief qui revient le plus souvent dans les journaux. Pour ces amendes, la jurisprudence constitutionnelle pose des principes très clairs : pour être conforme à la Constitution, une AFD doit1, 3 respecter trois conditions cumulatives :

  • porter sur les délits punis d’une peine d’emprisonnement qui ne peut être supérieure à trois ans ;
  • ne mettre en œuvre que des peines d’amendes de faible montant (notamment ne pas excéder le plafond des amendes contraventionnelles) ;
  • porter sur les délits dont les éléments constitutifs peuvent être aisément constatés.

Si les deux premiers points sont évidemment respectés ici, le troisième est soumis à interprétation : à première vue, il semble que le délit créé par l’article, proche des délits de presse, ne puisse se vérifier facilement. Toutefois, la décision relative à l’article 222–33–1-1 du Code Pénal, dont les termes ne sont pas si différents, et reconnaissant ces dispositions comme conformes à la Constitution, laisse planer le doute quant à la censure ou non de cette mesure.

Autrement dit, même si une censure, partielle ou totale, de la mesure par le Conseil Constitutionnel est possible, celle-ci est bien loin d’être garantie, une disposition similaire ayant déjà été jugée conforme. Si cette mesure doit être rejetée, c’est avant tout par les députés eux-mêmes, et non par le Conseil, donc le travail n’est pas d’agir en législateur de dernier recours.


  1. Loi n° 2016–1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
  2. Conseil Constitutionnel, Décision n° 2022–846 DC du 19 janvier 2023, Considérants 54 et suivant et 132 et suivant https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/2022846DC.htm
  3. Conseil Constitutionnel, Décision n° 2019–778 DC du 21 mars 2019, Considérants 247 et suivant https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019778DC.htm

Après ces quelques recherches, je comprends maintenant pourquoi beaucoup d’articles de presse restaient très évasifs au sujet de ce nouveau délit : l’article tel qu’il est sorti de la CMP est incompréhensible. Il ne dit rien de précis sur le fond quant aux infractions visées, et est rédigé d’une manière si inhabituelle et peu claire qu’on peine à le comprendre sur la forme. Au-delà de cette loi en particulier, cela dit quelque chose du faible goût pour la légistique des représentants français, parfois si peu formés que l’on pourrait en rire… si du moins le sujet n’était pas sérieux.

4 commentaires

Merci pour ce travail très fouillé. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit un texte avec des références aussi volumineuses que le texte lui-même !
Je dois confesser que j’ai bien du mal à comprendre la nature du délit visé.

J’ai appris un nouveau mot : "légistique", savoir spécialisé mais indispensable aux législateurs.

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Merci pour ton commentaire. L’objectif du billet était d’apporter une vision plus pointue que celle que j’ai pu trouver dans la presse, les différents journaux ayant déjà explicité en grande partie quelle était l’objectif du texte.

Néanmoins, tu as certainement raison sur le fait que commenter l’intention du législateur serait intéressant, j’essayerais de l’inclure la prochaine fois. En attendant, je me permets de citer l’exposé de motifs de l’amendement introduisant l’article, en espérant que cela pourra t’éclairer sur ce qui se trouve derrière le texte :

Les auditions conduites par le rapporteur et par la commission en formation plénière ont mis au jour les difficultés posées, en matière de harcèlement en ligne, par la réponse pénale classique. En effet, le cyber-harcèlement ne fait pas l’objet d’une définition autonome par le Code pénal et se trouve couvert par les infractions existantes de harcèlement (qu’il s’agisse de harcèlement simple, de harcèlement scolaire ou de harcèlement du conjoint) ; or il s’agit de faits graves, passibles de peines lourdes, qui supposent – légitimement – la tenue d’un procès et, en amont de celui-ci, la conduite d’une enquête, parfois longue, pour garantir le respect des droits de toutes les parties. La sanction pénale intervient ainsi plusieurs mois, voire plusieurs années après commission des faits.

Face à ce constat, le présent amendement propose la création d’un délit d’outrage en ligne, inspiré de l’outrage sexiste et sexuel et pouvant faire l’objet d’une sanction immédiate par le biais d’une amende forfaitaire délictuelle, outil qui a fait la preuve de son efficacité pour certains délits.

À mon sens, ces explications peinent à justifier l’article : on y apprend que le harcèlement est un fait grave, qui nécessite donc la tenue d’un procès, mais que dans le même temps, l’enquête étant trop longue, la tenue d’un procès n’est pas nécessaire. Les faits sont-ils si graves, après tout ?

Bref, je profite de ce commentaire pour signaler au passage que, depuis la publication du billet, le 7 avril, le texte issu de la CMP, commenté dans cet article, a été adopté par l’Assemblée Nationale, à quelques corrections d’erreurs près, à 134 voix contre 75. Le groupe parlementaire de la France insoumise a annoncé un recours devant le Conseil Constitutionnel, et il est possible que d’autres groupes le fassent également.

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Je comprends de moins en moins l’objet du texte. Il s’agit "d’outrage en ligne", donc d’une catégorie d’outrage. Ce délit est défini par l’article 433–5 du code pénal. Ce ne sont pas les citoyens ordinaires qui peuvent être victime d’outrage, mais seulement des personnes investies d’une autorité.

Le texte que tu cites fait référence au "harcèlement". Il cite des cas de harcèlement, qualifiés de "faits graves", et qui s’adressent à tout un chacun. Le texte laisse entendre que le cyber harcèlement ne serait pas un fait grave, ce qui me semble paradoxal quand on constate que des faits de harcèlement ont conduit des personnes à la démission, ou pire au au suicide.

En fait, je ne comprends pas comment un texte qui traite de l’outrage pourrait viser en fait une catégorie de harcèlement.

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Je crois que je comprends mieux le souci, pour préciser donc : l’outrage ne se limite pas aux agents publics, ou en tout cas ne s’y limite plus depuis 2018, avec l’introduction dans le Code Pénal de l’article 621–11, aujourd’hui article 222–33–1-1, sanctionnant ce que le législateur a qualifié d’« outrage sexiste et sexuel ».

À l’époque déjà, le problème posé était plutôt simple : on souhaite que soient condamnés les propos et comportements sexistes, même lorsque ces derniers ne sont pas répétés. Cette absence de caractère répété rend impossible la qualification de harcèlement2. J’imagine que le même type de réflexion s’applique ici : le harcèlement n’est pas toujours qualifiable, car il faut démontrer un caractère répété (ce serait plutôt ici du harcèlement moral que sexuel), on crée donc un nouveau délit visant à permettre une condamnation sans qu’une enquête approfondie ne soit nécessaire.

Autrement dit, un changement dans la définition juridique de l’outrage s’opère depuis 2018 : alors que le terme était auparavant restreint à l’outrage public (et à l’article que tu as cité), il converge plutôt aujourd’hui vers la définition courante (bien qu’un peu désuète aujourd’hui) de l’outrage3 :

Offense extrêmement grave, constituant une atteinte à l’honneur, à la dignité

Maintenant, on peut se demander si ce changement est souhaitable, et c’est là à chacun de se faire son avis. À mon sens, la définition est bien trop large pour ne pas être au moins inquiétante (voir les articles de presse cités), et conduira certainement à une « forfaitisation des délits », peu probablement bénéfique aux victimes, voir à ce sujet la décision du Défenseur des Droits citée.


  1. Loi n° 2018–703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
  2. Article 222–33 du Code Pénal
  3. Larousse, Définition de l’outrage
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